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Beauté-famille-sexualité

Le but de ce blog est de parler de la beauté, de la famille et de la sexualité en prenant appui sur la communauté Guin et Mina. La communauté Guin et Mina a une culture riche de plus de 3,5 siècles mais peu connue. Aujourd'hui, cette communauté n'est visualisée qu'à travers les pratiques sexuelles peu positives d'une minorité de femmes guinnou ou Mina. Ce blog revisite l'organisation sexuelle du peuple Guin et Mina à travers le temps (approche diachronique) afin d'en tirer des inspirations susceptibles de façonner notre mode de vie contemporain. Mot clés : #Beauté, #Sexualité, #Famille, #Guin, #Mina

Bref aperçu de l'interdiction de l'inceste à travers le temps et l'espace

L’interdiction de l’inceste n’a pas, de tout temps, été une règle absolue, ou que dire ? Il y eut, dans l’histoire des unions sexuelles, une exception à cette règle de l’interdiction de l’inceste. C’était le cas dans la société de l’Égypte antique et dans l’Iran ancien, par exemple. À l’époque, dans ces sociétés, ce sont les mariages entre-soi qui étaient valorisés : les mariages entre frères et sœurs, au sein de la famille, du lignage ou du clan.

Dans l’Iran ancien, chez les Mazdéens, par exemple, les mariages frères-sœurs avaient lieu jusqu’au IXe siècle après J.-C (Godelier, 2010). Selon les croyances mazdéennes (religion dominante dans l’Iran ancien), le mariage frère-sœur célébré par un prête mazdéen, lui-même marié à sa sœur, permettait de reproduire la naissance du premier homme au sein du cosmos. Car selon la mythologie iranienne, le premier homme était né de l’union de deux divinités, un frère et une sœur. Le mariage frère-sœur dans cette société était non seulement la promesse d’une place privilégiée après la mort dans le paradis mazdéen (Ibidem) mais surtout permettait de produire des races d’homme pur : ceux qui seraient issus de pareilles unions auraient été les plus dignes de monter sur le trône ou d'exercer le sacerdoce (Cumont, 1924, p. 60).

Des pratiques similaires sont également évoquées concernant l’Égypte ancienne par différents auteurs. Ainsi, Jean Gaudemet (2016)[1], dans son article « Le droit antique » [en ligne], évoque que, dans cette société antique, si les mariages entre cousins, oncles et nièces,... étaient fréquemment célébrés, le mariage entre frère et sœur se pratiquait, par contre, essentiellement dans la famille royale. Ceci n’est pas l’avis de Godelier (2010) qui a fait le constat du mariage frère-sœur au-delà de la famille royale. Pour cet auteur, le mariage frère-sœur était une pratique courante dans l'Égypte ancienne et était socialement valorisé pas que dans la dynastie royale ou chez les hauts dignitaires de cette société antique. Ainsi, les Égyptiens épousaient souvent leur propre sœur, que ce soit au sein de la famille royale ou non : le mariage entre Osiris et Isis, frère et sœur, n’avait rien de surprenant. La valeur accordée à ce type de mariage était liée au symbolisme selon lequel cela rapprochait les humains des dieux. Cependant, dans l’absolu, chez les Égyptiens, un père ne pouvait en aucun cas épouser sa fille.

En revanche cette forme d’union était possible chez les Perses. Ceux-ci admettaient les mariages non seulement entre frère et sœur, mais aussi les unions entre père et fille, mère et fils (l'exemple le plus célèbre fut celui de l’union entre Artaxerxès II et sa fille Atossa) ; ce que le monde gréco-romain peint comme abominable (Cumont, 1924, p. 58). Chez les Grecs, l’union entre  père et fille faisait l'objet d'une interdiction absolue comme chez les Égyptiens. Ce qui n’était pas le cas des mariages entre frères et sœurs qui étaient tolérés. On se souvient, dans la mythologique grecque, de Zeus qui était marié avec sa sœur Héra et de Jupiter avec sa sœur Junon (Parat, 2004 ; Laurent, 2010) sans que cela ne soit considéré comme un inceste. Dans certaines sociétés traditionnelles grecques encore, les soupçons ou les pratiques de l’inceste entre frère et sœur sont fort présents. Dans un article intitulé «Faute d'épouses on mange des sœurs. Réalités du célibat et fantasmatiques de l'inceste dans le Magne (Grèce)», publié en 1993, Margarita Xanthakou, met en exergue les transgressions aux normes sexuelles inhérentes au système matrimonial dans la société grecque du Magne.

En effet, la société maniote traditionnelle était très stratifiée. Elle se divisait en trois groupes : les « gens de grande naissance » (Meghaloyienites) qui, habitaient ces tours-manoirs, détenaient les troupeaux, la plus grande part des terres cultivables (et les meilleures) ; les « gens moyens » (Messiani) qui possédaient un jardin, une vigne, quelques bêtes et arpents de terre ; puis, les « gens des maigres lieux » (Akhammomeri) qui vivaient dans des masures près des tours-manoirs et ne disposaient de rien. Ces trois groupes bien que complémentaires étaient soumis à des interdits matrimoniaux stricts entre les sous-lignages. Un(e) Maniote, par exemple, ne pouvait pas prendre époux (se) dans le lignage de son père, ni celui de sa mère, et ce, dans une profondeur de six degrés de parenté. Et pourtant, l’endogamie est fort présente à Magne.

En effet, la norme en matière matrimoniale est celle-ci : le mariage au sein de la fratrie est chronologique, les filles d’abord, les garçons ensuite ; les aînées avant les cadettes. Ce principe accroit souvent le célibat, du fait que les filles n’ont pas pu être mariées toutes ou du fait que le mariage de l'aînée a été cassé parce que, peut-être, elle n'était pas vierge au moment du mariage. Dès lors, père et mère, frères et sœurs demeuraient à jamais ensemble dans une maisonnée qui ne pouvait se perpétuer faute de descendants mâles. Cette situation amplifiait les rumeurs de l'inceste (rarement paternel, presque toujours adelphique). Une fille qui n'est pas vierge au moment du mariage ou qui a eu un enfant naturel est censée l'« avoir fait » avec son frère. Dans la société traditionnelle du Magne, l'amour entre germains, quoique maléfique, est toujours magnifié et privilégié sur les autres types d'amour conjugal ou filial (Zonabend 1997, pp. 252-253).

[1] In Encyclopædia Universalis, consulté le 20 février 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/antiquite-le-droit-antique/

 
Bref aperçu de l'interdiction de l'inceste à travers le temps et l'espace

Dans plusieurs tribus totémiques d'Afrique également, Frazer (cité par Cumont, 1924, pp 58-59) a noté que, bien que la norme matrimoniale soit l'exogamie, une exception est faite concernant la famille royale où les mariages entre proches, même entre frères et sœurs, sont la règle. Frazer considère cette endogamie comme une survivance de l'ancien matriarcat, ou plutôt comme un subterfuge pour en détruire les effets. Là où règne le matriarcat, ce ne sont pas les fils des rois ou des princes qui héritent de leur autorité et de leurs biens, mais ceux de leurs sœurs. En épousant celles-ci, leurs maris assuraient leur succession à leur propre postérité, qui combinait en elle la double ligne de descendance paternelle et maternelle.

Pour Cumont (1924, pp. 59-60), la théorie de Frazer permet peut-être d’expliquer les pratiques de mariages entre frères et sœurs qui ont lieu dans l’Égypte antique (comme énoncé plus haut) afin d’éviter une division du patrimoine, les droits des fils et des filles étant égaux à cette époque-là ; ou d’y trouver une explication à la règle qui était en vigueur à Athènes et qui permettait les unions entre frères et sœurs consanguins, et non entre frères et sœurs utérins. Mais la théorie de Frazer ne permet pas à elle seule d’expliquer les formes d’inceste pratiquées chez les Perses où les mariages entre mère et fils ou entre père et fille étaient tolérés autant que ceux entre frères et sœurs. Le matriarcat est impuissant, de l’avis de Cumont (1924), à faire comprendre ce genre d'endogamie et à l’auteur de conclure qu’une coutume se perpétue et se développe d’ailleurs souvent pour des motifs très différents de ceux qui l'ont fait naître. Il s’agit là, sans doute, d’une façon courtoise d’évoquer les questions de transgression des normes sexuelles chez les Perses.

Comme Frazer, De Heusch (1987 commenté par Rivière, 1988) s’est aussi intéressé aux principes d’exception en matière de régulation sexuelle dont bénéficient bien des membres des familles royales en Afrique comme ailleurs, pour essayer de les décrypter et de les expliquer. Pourquoi l'inceste, interdit au peuple, est-il toléré et constitue même l'union préférée chez les membres des familles princières ? S’était-il demandé.

Il part d’une série de cas africains pour scruter les rapports affectifs entre le roi, sa mère et sa sœur en usant d’une grille psychanalytique. Il en vient à constater que le régime dérogatoire au profit des membres des familles royales n’a rien d’assouplissement de la règle matrimoniale, il est une violation caractérisée d'un interdit, justifiée pour des raisons hors du commun chez de rares individus ayant à tenir un rôle social et sacral bien précis. Ceux-là échappent, pour ainsi dire, par le haut, aux normes de la société (Rivière, 1988, p. 215).

Ainsi, au Rwanda, quelques rites matrimoniaux substituent, même dans le peuple, le mari au frère dans la vie sociale et affective de la jeune fille. L'héritier du trône, nouveau Mwami, détruit rituellement l'arc royal, ce qui symbolise le meurtre du père ; élève sa mère à la dignité de reine, ce qui souligne le complexe œdipien ; lie sa vitalité à la prospérité du royaume, lequel s'identifie mystiquement à lui. Chez les Nyoro (en Ouganda), après l’empoisonnement du roi (dont la puissance sexuelle s'éteint) et les luttes fratricides de succession, le « taureau » vainqueur du tournoi épouse une demi-sœur dont il lui est interdit d'avoir des enfants, et la reine-mère, qui protège magiquement le roi et est censée demeurer chaste, ne doit pas revoir son fils après l'intronisation. La hiérogamie incestueuse chez les Nyoro « souligne l'unicité et la primauté du roi par rapport à ses pairs, alors que la réunion du fils et de la mère accuse l'affranchissement du souverain de toute dépendance passée » (Ibidem). Contrairement à Frazer qui explique ces pratiques incestueuses par le souci de sauvegarde du patrimoine, De Heusch y trouve quelque chose de mythique (comme les cas égyptien et mazdéen soulignés plus haut par Godelier, 2010). Il martèle la complexité des situations qui rend vaine toute explication unique. Partout, il y faut scruter de près, souligne-t-il (Ibidem). Rappelons, au passage, que la transgression de l'interdiction de l'inceste et le crime de sang du consanguin sont faits à des fins de se procurer du pouvoir (de la puissance).

Aujourd’hui encore des situations d’inceste ne sont pas rares ; elles débordent le cadre du régime dérogatoire royal pour s’étendre aux peuples. Habituellement confinés dans les interstices du secret familial au nom du tabou sexuel, les faits d’inceste n’échappent pas moins à cet espace pour en faire connaitre la quintessence aux tribunaux ou à la presse. C'est ainsi qu'en 2016, deux cas avaient fait l'objet d'articles de presse : le cas d'une Zimbabwéenne de 40 ans enceinte de son fils de 23 ans et le cas d’une jeune femme Togolaise de 26 ans qui entretenait des relations charnelles avec son beau-fils de 20 ans. A vrai dire, de nombreux faits similaires sont, de plus en plus, publiés dans la presse surtout avec l’avènement du web. N’est-ce pas aussi le cas de cette jeune fille de 18 ans qui devait, en 2015, convoler en juste noce avec son père biologique aux Etats-Unis ? Les deux « amoureux » ont entamé leurs relations lorsque la jeune fille avait 15 ans. Dans une interview accordée à New York Magazine, la fille déclare que la relation avec son père est approuvée par ses grands parents paternels qui souhaitent les voir fonder une famille avec une descendance. Elle affirme aussi que « pour être sûrs de ne pas passer sous le coup de la loi, ils [elle et son père] vont déménager au New Jersey, où l'inceste entre adultes n'est pas illégal »[2]. C’est aussi l'histoire très médiatisée d'un couple incestueux frère et sœur à Leipzig (en Allemagne). De leur union sont nés quatre enfants, dont deux handicapés. Le couple avait fait l'objet de plusieurs condamnations en raison de cette relation incestueuse (l’homme, Patrick S., a passé plus de trois ans derrière les barreaux, et la femme, Susan K., a été placée en institution en raison de son « retard mental »)[3]. Et pourtant leur histoire, de par sa médiatisation, va inspirer le Conseil d'éthique allemand à proposer une dépénalisation des relations sexuelles consenties entre frères et sœurs adultes. Ceci pose toute la question de la répression ou non de la transgression de l’interdiction de l’inceste aujourd’hui (nous allons y revenir).

 

[2] http://www.metronews.fr/info/le-fait-divers-du-jour-a-18-ans-elle-s-apprete-a-epouser-son-pere-biologique/moau!TIoBUELSkOzC6/ consulté le 29 octobre 2015

[3] http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/09/24/allemagne-le-conseil-d-ethique-propose-de-depenaliser-l-inceste-entre-frere-et-s-ur_4493609_3214.html, consulté le 05 février 2016


Bref aperçu de l'interdiction de l'inceste à travers le temps et l'espace

Un exemple atemporel d'amour adelphique : Le mythe d’Antigone

 

L’histoire raconte qu’Œdipe, fils de Laïos et de Jocaste, s’est uni à sa mère, Jocaste, après avoir éliminé son père. Œdipe et sa maman (devenue son épouse) avaient donné naissance à quatre enfants (Polynice, Etéocle, Ismène et Antigone). Antigone était fiancée à Hémon, son cousin croisé (fils de Créon qui est frère ainé de Jocaste) ; toutefois elle va vouer à son frère Polynice un amour si fort qu’elle n’hésitera pas à transgresser, au prix de sa vie, l’interdiction de Créon (le Roi) de ne pas donner une sépulture à son frère Polynice tué par son autre frère Etéocle (lui-même décédé dans cette bataille). Ci-après l’arbre généalogique ressorti du mythe d’Antigone.

Bref aperçu de l'interdiction de l'inceste à travers le temps et l'espace

Les cases mises en jaunes posent, en principe, la problématique de l'union interdite. Puis il y a aussi la question du double lien de parenté en cas d'inceste (Hémon était censé être le cousin d'Oedipe et l'oncle d'Antigone. Mais, l'union entre Œdipe et sa maman fait que Hémon devient le cousin d'Antigone). Et, Antigone, en choisissant d’offrir en cachette une sépulture à son frère Polynice, au prix de sa vie, révèle par là même la force de l’amour adelphique sur son projet d’union avec Hémon, son cousin. Ces différents récits mettent en scène des unions charnelles interdites : celles entre des parents en ligne directe (père-fille, mère-fils, frère et sœur). Ce qui m’amène à analyser prochainement la portée « stricto sensu » de l’interdiction de l’inceste à travers le temps (à suivre).  

Bonne lecture à vous, chers lecteurs et chères lectrices.

Bonne lecture à vous, chers lecteurs et chères lectrices.

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