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Beauté-famille-sexualité

Le but de ce blog est de parler de la beauté, de la famille et de la sexualité en prenant appui sur la communauté Guin et Mina. La communauté Guin et Mina a une culture riche de plus de 3,5 siècles mais peu connue. Aujourd'hui, cette communauté n'est visualisée qu'à travers les pratiques sexuelles peu positives d'une minorité de femmes guinnou ou Mina. Ce blog revisite l'organisation sexuelle du peuple Guin et Mina à travers le temps (approche diachronique) afin d'en tirer des inspirations susceptibles de façonner notre mode de vie contemporain. Mot clés : #Beauté, #Sexualité, #Famille, #Guin, #Mina

Les influences de la modernité sur l'organisation sexuelle chez les Guin et Mina, volet3

Volet3: La prolifération des unions libres (suite) : âge et circonstances du premier acte sexuel.

A quelles normes est soumise l'entrée en activité sexuelle aujourd'hui sur l'aire culturelle Guin et Mina ? Telle est la question qui m'a préoccupée à l'issue de l'entretien exclusif avec le couple Béni. Pour répondre à cette question, j'ai croisé les données collectées auprès des adultes confirmés (30 à 49 ans) et auprès des adolescent.es et des jeunes adultes (12 à 29 ans). Deux champs d'analyse sont concernés ici : l'âge du premier rapport sexuel et les circonstances de consommation du premier acte sexuel.

B- Les données croisées portant sur l'entrée en activité sexuelle des enquêté.es juniors

Lorsqu’on considère la catégorie des enquêtés juniors, la quasi-totalité a consommé son premier acte sexuel en dehors de tout cadre formel d’alliance et aussi, quasiment tous, avant l'âge de leur majorité civile (18 ans).

Tableau n°3 : Un aperçu de l’âge du premier rapport sexuel chez les enquêtés de sexe masculin

 

Numéro d’ordre

Age actuel

Classe actuelle / apprentissage

Age au premier rapport sexuel

Classe au premier rapport sexuel

Observations (avec une fille de quel âge ?)

01

21 ans

Apprentissage

18 ans

Classe de 5ème

Fille de même classe, âgée de 15 ans

02

21

Terminale A2

15 ans

Classe de 5ème

Fille en 6ème et âgée de 13 ans

03

18 ans

Classe  de 3ème

Puceau (vierge)

 

 C’est le fruit de l’éducation de sa mère et grande mère avec qui il vit

04

22ans

Terminale A2

17 ans

Classe de 4ème  

Fille en 5ème et âgée de 15 ans

05

23 ans

Classe de Terminale D

16 ans

Classe de 4ème  

Femme mariée. Rite de purification intervenue après l’acte sexuel.

06

19 ans

Classe  de 3ème

15 ans

Classe de 5ème  

Même classe  et même âge (15 ans)

07

23 ans

Classe de 1ère A2 

16 ans

Classe  de 4ème  

Même âge et même classe (16 ans)

08

18 ans

Classe de 3ème

17 ans

Classe de 4ème

La fille avait 15 ans, n’est pas élève.

09

15 ans

Classe de 3ème

Puceau

 -

-

10-11

18-20 ans

3ème et Terminale

17 ans

Classe de 4ème  

Filles de 16 ans, de la même classe.

Moyenne d’âge au premier rapport sexuel

16,3 ans

 

15 ans

         

 

Selon les données contenues dans ce tableau n°3, les garçons ont eu leur premier rapport sexuel entre l’âge de 15 et 18 ans, soit une moyenne d'âge de 16,3 ans ; 3/11 l’ont eu en classe de 5ème, 6/11 l’ont eu en classe de 4ème et 2 garçons de la classe de 3ème n’ont jamais eu de rapport sexuel. Leurs partenaires (filles) étaient de la classe de 6ème à 4ème et âgées de 13-16 ans, soit une moyenne de 15ans. Lorsqu’on fait abstraction des deux garçons encore puceaux et de celui qui a été « violé », l’aperçu visuel de l’âge des jeunes gens au premier rapport sexuel se présente comme suit (voir graphe n°1).

 

Graphe n°1 : Un aperçu de l’âge des enquêtés au premier rapport sexuel

Graphe n°1 : Un aperçu de l’âge des enquêtés au premier rapport sexuel

Lorsqu’on croise la moyenne d’âge des partenaires des garçons au premier rapport sexuel (dernière colonne du tableau n°3) avec les informations recueillies auprès des filles, un écart s’affiche (voir le tableau n°4 ci-dessous).

Tableau n°4: Un aperçu de l’âge du premier rapport sexuel chez les enquêtés de sexe féminin

 

Numéro d’ordre

Age actuel

Classe actuelle / apprentissage

Age au premier rapport sexuel

Classe au premier rapport sexuel

Observations

01

12 ans

Classe de 4ème 

Vierge

-

Mais elle a déjà des menstrues.

02

13  ans

Classe de 4ème

Vierge

-

Strictement contrôlée par sa maman.

03 

14 ans

Classe 4ème

Vierge

-

Maman  donne des conseils.

04

17 ans

Classe de 1ère A2

Vierge

-

Maman a dit : «  la virginité d’une fille est gage du respect que l’homme a pour elle ».

05

20 ans

 Classe de 1ère A2

Vierge

-

 Maman exige la virginité pour le mariage. « Elle m’achète tout … ».

06

19 ans

Classe de 1ère A2

18 ans

Classe de 2nd

 Avec un étudiant à UAC. Il a 23 ans.

07

19 ans

Non instruite

15 ans

Non instruite

Enceinte et sous le toit d’un homme qui ne connait aucun de ses parents.

08

28 ans

Non instruite

16 ans

Non instruite

En couple depuis 8 ans sans dot.

09-11

18-23 ans

Classe de 3ème à Terminale

16-18 ans

4ème

Entretien groupé (3 filles)

Moyenne d’âge au premier rapport sexuel

16, 5 ans

 

 

         

 

Sur les 11 jeunes filles enquêtées, 5 se disent encore vierges et sont des élèves (de la classe de 4ème à 1ère) ; 4/11 ont eu leur premier rapport sexuel entre 16-18ans et en classe de 4ème et Seconde. Les deux filles non instruites ont eu leur premier rapport sexuel à l’âge de 15 et 16 ans (dont l’une de 19 ans était enceinte au moment de l’enquête).

Lorsqu’on regarde la tendance de l’âge du premier rapport sexuel sur les deux tableaux ci-dessus, l’on croirait au premier regard que les garçons entrent plus tôt en activité sexuelle que les filles avec un âge moyen de 16,3 ans chez les garçons et 16,5 ans chez les filles. Mais, l’on réalise, après triangulation des données, que les filles vont plus tôt à l’activité sexuelle que les garçons avec plutôt une moyenne d’âge de 15 ans (entre 13-16 ans pour les filles, voir sur le graphe n°1). Les jeunes filles vont très tôt au sexe comme l’évoquait plus haut Madame Béni (article précédent), mais les garçons aussi.

 

L’un des garçons avait eu des relations sexuelles avec une femme mariée, ce qui a donné lieu plus tard à des rites de purification tant de la femme mariée que du jeune garçon. La situation d’entrée précoce des jeunes gens en activité sexuelle à Agoué aujourd’hui contrairement à ce qui se passait autrefois préoccupe fortement leurs parents, de même que les comportements désobligeants qui en découlent. Deux des aînés disaient ceci :

« Les garçons pensent que lorsqu'ils arrivent au collège, c'est fini, ils sont déjà grands et on ne peut plus les commander, avant, les filles jusqu'à 18 ans peuvent se promener en caleçon, mais aujourd'hui, même une fille de 15 ans ne veut plus rester en caleçon […]. On constate aujourd'hui que les enfants qui entrent au collège n'ont que 12 ans ou  13 ans, et, déjà ils apprennent des choses sur la sexualité, ils font des cours sur la reproduction, une fois à la maison, ils cherchent à mettre les notions reçues en pratique. […]. Avec l'apparition des Whatsapps, on assiste, de plus en plus, à la dépravation des mœurs, on voit même des jeunes filles qui s'habillent et mettent ensuite des perles sur leur habit, où va-t-on avec ça ? […] » (Un aîné de 91 ans).

« Les enfants ne se concentrent plus ni sur les enseignements de l’école, ni sur ceux de la maison. Aujourd’hui, la bonne côte d’Agoué en matière d’éducation a disparu. Les jeunes filles, aujourd’hui, ne se soumettent plus à cette éducation de qualité comme jadis ; et en plus, déjà à 10 ans les filles ont leur premier rapport sexuel discrètement. Peut-on encore avoir le courage d’envoyer de telles filles comme épouses à des émigrés ? » (Une aînée de 80 ans).

 

Le regard des aînés sur les activités sexuelles des jeunes gens (garçons et filles) ne paraît pas tendre. Car, il y a une véritable rupture en matière de sexualité par rapport à leur temps.

 

Le tableau n°4 ci-dessus affiche, tout de même, la situation particulière de quelques filles enquêtées (encore vierges) et l’on se rend compte qu’il existe encore des mamans qui tiennent à la virginité de leurs filles, gage du respect lors du mariage, de leur point de vue. La virginité est-elle encore aujourd’hui un paramètre clé dans la réussite de la vie conjugale ? Telle est la question que l’on pourrait se poser ici ; mais pour l'heure, il n'y a pas d'éléments tangibles permettant d’y répondre. Néanmoins, l'on peut se permettre d'opiner qu'une telle ligne éducative prônant la virginité aurait le mérite de permettre aux filles de se concentrer sur leurs études, bien que, dans ce nouveau monde des réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook, Twitter, Instagram, etc.), le cap semble difficile à tenir. Si certaines filles y arrivent, cela prouve qu’une telle ligne éducative est encore possible de nos jours, à condition que les jeunes gens observent un minimum de discipline.

 

Il faut également remarquer sur le tableau n°4 ci-dessus une différence entre l’âge d’entrée en activité sexuelle des filles scolarisées et celui des filles non instruites qui iraient plus tôt au sexe. En creusant de près, même la situation sexuelle des filles scolarisées paraît plus nuancée que ce qui s’affiche sur le tableau n°4, et ceci vient confirmer les données recueillies auprès des garçons quant à l’âge de leurs partenaires (filles) au premier rapport sexuel. Voici quelques extraits d’entretien qui illustrent une légère prise de conscience de la part des jeunes filles instruites :

Entretien groupé avec trois filles : [Moi : Puis-je connaître l’âge de votre premier rapport sexuel] Fille n°1 (âgée de 23 ans, nouvellement admise au BAC) « J’avais eu mon premier rapport sexuel à 18 ans en classe de 3ème. C’était avec mon copain, mais actuellement, on n’est plus ensemble. J’avais appris, de mes amies, qu’il était un coureur de jupon, ce qui m'a poussé à le quitter, mais en plus c'est qu'il a commencé l'arnaque (cybercriminalité). Je l’avais constaté dans son habillement qui a changé, et dans son comportement également. J’en ai profité pour le quitter afin de me concentrer sur mon BAC, car j'avais déjà échoué deux fois. Il vit actuellement à Cotonou et s'est même déjà marié ». Fille n°2 (âgée de 20 ans, en classe de 1ère) : « moi aussi, mon copain est à Cotonou, je l'ai connu ici à Agoué. À l’époque, il faisait la seconde et moi j’étais en 4ème. J’avais 16 ans. On est toujours ensemble. Il vient de temps en temps à Agoué ». Fille n°3 (âgée de 18 ans en classe de 3ème) : « j'ai connu mon copain quand j’étais en classe 4ème (j’avais 16 ans) et lui était en Terminale. Actuellement, il est à l'Université, j'ignore sa filière de formation [...]». [Moi : j'aurais appris que de nombreuses filles sont enceintes dans votre collège. Est-ce vrai ?] Fille (de 20 ans) : « il y a seulement 3 cas que je connais : l’une des filles est en 5ème,  une autre en 4ème et le dernier cas en 3ème mais celle qui est en 3ème a déjà accouché. Il y a même un papa qui a enceinté sa propre fille (c’est celle qui est en classe de 5ème) [Moi : Ah oui ! Quel est le regard des gens sur cette fille dans le milieu ?] Elle était la risée de tout le monde, les camarades l'insultaient et, finalement, elle a abandonné l’école [...]».

 

Entretien avec deux jeunes garçons : [Moi : On apprend que vos camarades, les filles, des classes de 6ème, 5ème et 4ème tombent enceinte, que pensez-vous de cette situation ?] Garçon n°1 (âgé de 20 ans et en classe de Terminale) : « Au CEG d'Agoué, on dénombre chaque année au moins 3 cas de grossesses, dans le rang des élèves du premier cycle, cela peut s'expliquer par la puberté et l'inconscience, mais il y a eu quelques cas aussi au second cycle (de la Seconde en Terminale) ; pour celles du second cycle, c'est surtout l'inconscience, car déjà, à partir de la seconde, il y a des cours sur l'éducation sexuelle qui sont enseignés souvent. Les auteurs des grossesses ne sont pas toujours les élèves garçons, il y a certains professeurs aussi. Il y a trois ans, on avait ce cas, où un professeur a enceinté une fille, les parents de la fille se sont révoltés ; c'est le directeur qui a géré cela et l'enseignant a été affecté ; la fille, après l'accouchement, a repris les cours et a obtenu son BEPC [...]». [Moi : Est-ce que toutes les filles enceintes reprennent les cours après leur accouchement ?] Garçon n°2 (âgé de 18 ans) : « la plupart des filles  ne reprennent plus l'école, quelques 4 filles ont repris parce que les parents ont insisté et ils ont pris en charge les bébés [...]». Pour ces deux garçons, l’âge d’entrée en activité sexuelle est de 17 ans.

 

Si l’on met en relation ce que disait plus haut l’aîné de 91 ans à savoir que les enfants aujourd’hui entrent au collège vers l’âge de 12-13 ans, et, les informations selon que les élèves filles enceintes sont en classe de 5ème ou 4ème, l’on en déduit qu’elles seraient peut-être âgées d’environ 14 ou 15 ans au moment où elles tombent enceintes. Cela permet d’émettre une hypothèse sur l’âge où elles ont commencé l’activité sexuelle. Sans trop vouloir donner raison à l’aînée de 80 ans qui affirmait, plus haut, qu’à dix ans, les filles passent discrètement à leur premier acte sexuel, ou à Madame Béni qui parle de l’âge de 13 ans pour l’entrée en activité sexuelle, un point de vue confirmé par l’un des garçons enquêtés (pour l’avoir vécu), et encore loin de moi l’idée de généraliser, il ressort, de façon très forte, des données recueillies, que quelque chose a fléchi en matière de la responsabilité des parents quant au suivi et à l’éducation de leurs enfants, en général, mais surtout l’éducation sexuelle des filles, en particulier.

Les influences de la modernité sur l'organisation sexuelle chez les Guin et Mina, volet3

C- Les données croisées portant sur l'entrée en activité sexuelle des enquêté.es d'âge moyen

Lorsqu’on s’intéresse à la catégorie des enquêtés d’âge moyen (30-49 ans), le premier constat qui se dégage des entretiens individuels avec ce groupe de quatorze personnes, est que, pour un grand nombre parmi eux (sauf le cas de deux ou trois personnes), l’entrée dans la vie sexuelle ne coïncide pas avec l’entrée dans la vie conjugale, ou du moins, la consommation du premier acte sexuel ne s’est pas faite dans le cadre de la célébration normative du mariage comme à l'époque des aîné.es. Cette génération intermédiaire a connu des activités sexuelles prénuptiales et ce dans des contextes différents. Cela vaut aussi bien pour les femmes que pour les hommes. 

 

L’une des enquêtés de cette catégorie (rencontrée à plusieurs reprises) nous confie que les circonstances de son entrée en activité sexuelle serait la cause de l'échec de sa vie conjugale voire de sa vie sexuelle globalement. Ce qui a basculé sa vie entière dans le chaos. En effet, son premier rapport sexuel, bien que consenti naïvement, n’avait pas été fait dans l’intention d’engendrer. Malheureusement, ce premier rapport sexuel fut aussi l’occasion de sa première grossesse, hors cadre formel d’alliance, comme dans le cas de Madame Béni décrit plus haut, et elle était obligée d'abandonner l'école. Depuis lors,  cette enquêtée a connu une vie conjugale instable évoluant d’hommes en hommes, contrairement au couple Béni : « il m’arrive souvent de penser que je suis passée à côté de ma vraie vie », nous a-t-elle confié, les larmes aux yeux. Mère de cinq enfants, elle a finalement fait le choix depuis un certain temps de vivre seule avec ses enfants (en famille monoparentale).

 

Une autre enquêtée, vendeuse de la bouillie du tapioca de laquelle elle tire l’essentiel de ses revenus pour entretenir ses 4 enfants, est aussi divorcée et n’entend plus se remettre en couple, alors qu'elle n'a que 40 ans. Elle est déçue de la relation conjugale qu'elle a eue avec ses deux ex-époux. Elle a l’impression de « tout donner » aux hommes sans que ceux-ci ne le lui rendent en retour. Les moments d’échanges avec cette enquêtée ont été émotionnellement très intenses car, pour son premier rapport sexuel, elle avait été violée, et une grossesse s’en était suivie. En effet, de nombreuses familles à Agoué, jusqu’à une période récente, n’avaient pas de toilettes (WC) dans les maisons. Une partie de la population allait se mettre à l’aise en brousse. Ce fut le cas de cette enquêtée. Et c’était à cette occasion qu’elle avait été violée. Elle était alors élève en classe de 5ème et n’avait que 15 ans. Cet acte odieux reste malheureusement marquant dans la vie sexuelle de cette enquêtée.

Les influences de la modernité sur l'organisation sexuelle chez les Guin et Mina, volet3
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